ROMAN : Ce que j'étais (Meg Rossof, 2007, Grande-Bretagne)

Publié le par Muendoli

 

Littérature étrangère, anglaise, XXIème siècle


En 2007 en Grande-Bretagne, Meg Rosoff publie le roman pour la jeunesse What I was, traduit en France l’année suivante sous le titre Ce que j’étais. Le narrateur y relate l’année de ses seize ans, durant laquelle il a « découvert l’amour »[1].

Ce roman se veut réaliste, mais présente aussi une dimension quasi-fantastique et s’inscrit dans le genre de la robinsonnade. En effet, c’est dans une cabane entourée par la mer, et ainsi coupée de la réalité du pensionnat et de la société (donc comme située dans un autre monde), que, tout en jouant les Robinsons, le protagoniste de Ce que j’étais connaît ses aventures.

Le lycéen, dont on ignore le nom, narre, dans un récit prétendument autobiographique, son admiration (et même son désir) pour son nouvel ami qui habite la cabane sur la presqu’île : un beau jeune homme prénommé Finn. Fasciné par le garçon solitaire, l’état de grâce naturel dans lequel il vit, et préoccupé par son attirance pour lui, le héros du roman initiatique Ce que j’étais abandonne dans la cabane de Finn toutes ses certitudes sur le monde, la société, et sa sexualité.



[1] ROSOFF, Meg, Ce que j’étais (traduit par Luc Rigoureau), Hachette Livre, Paris, 2008, p.11.

 

 

I. Un roman héritier du roman réaliste, d’aventures et fantastique

 

1.1.          Réalisme romanesque

Les aventures narrées dans Ce que j’étais s’inscrivent dans un cadre réaliste. Respectant la chronologie, et racontées au passé simple et à l’imparfait, dans un lexique relativement simple, ces aventures démarrent lors de l’arrivée du jeune héros dans un lycée et un internat, en bord de mer. Ceux-ci, ainsi que le héros lui-même, ne sont pas idéalisés : l’établissement Saint-Oswald n’enchante guère le protagoniste, qui se trouve lui-même très imparfait. Aussi, le héros se plaint de l’institution scolaire[1], de l’établissement Saint-Oswald en particulier[2], de son propre physique[3], de l’internat[4], des conditions de vie en ce lieu et de la nourriture qui y est servie aux élèves[5], de l’organisation sociale qui règne dans le lycée[6], etc. Ce texte s’inscrit donc dans une réalité que les adolescents contemporains ont plus ou moins expérimentée (lycée, cours, internat, sport…), et le narrateur, ainsi que ses aventures, n’en paraissent que plus authentiques.

Ainsi, s’inscrivant dans la réalité du pensionnat, Ce que j’étais prend au premier abord (dans les deux premiers chapitres) des allures de "school novel". Il s’inscrit dans une longue tradition anglaise, à la suite de « Les jours de Tom Brown à l’école (1857) de Thomas Hughes […], Eric (1858), roman […] de F.W. Farran ; et plus tard, Stalky et Cie (1889) de Rudyard Kipling qui manifeste un certain anticonformisme envers l’institution scolaire. […] »[7]. En effet, dans Ce que j’étais, dans l’Angleterre du début des années 1960 (en 1962), le jeune héros se tient à l’écart des autres pensionnaires de l’internat dans lequel ses parents viennent de l’envoyer. Ce protagoniste a bien du mal à supporter cette situation qu’il vit comme une incarcération, les cours qu’il juge sans intérêt, et les brimades entre pensionnaires. Ce que j’étais met alors en œuvre une sorte de réalisme dickensien : le jeune héros se présente comme victime d’une réalité sociale qui lui déplaît[8], faisant quelques peu penser aux difficultés que rencontrent Oliver Twist (1838), Le petit Nell (1841) et David Copperfield (1850) face à la famille, la société ou l’école…

            Un tel réalisme permet au roman de retenir l’attention d’adolescents qui retrouvent en lui un cadre familier, présenté selon la vision qu’en a un de leurs pairs (un adolescent quelque peu réticent au conformisme que semble vouloir lui imposer la société). Pourtant, passée la lecture des deux premiers chapitres du roman, alors que le héros sort de l’oppressant internat, il s’avère que c’est dans la tradition du roman d’aventures, et en particulier de la robinsonnade, que s’inscrit Ce que j’étais.

 

1.2. Une robinsonnade

            Le héros de Ce que j’étais parle quelque peu de ses lectures dans son récit, et affiche clairement un goût pour le genre du roman d’aventures. Ainsi cite-t-il des classiques tels que Moby Dick[9] (1851) d’Hermann Melville, L’île au trésor[10](1883) de Robert Louis Stevenson ; mais aussi des ouvrages plus récents (contemporains de ses propres aventures) qui s’inscrivent dans le même genre, tels que L’Expédition de Kon-Tiki (1947) de Thor Heyerdahl, Le Cheval de bois (1949) d’Eric Williams, et Le Jour des Triffides (1951) de John Wyndham. Cet intertexte, tout en sollicitant la culture littéraire du jeune lecteur contemporain (voire en l’étendant), l’aide à apprécier la dimension romanesque et aventurière du récit narré par le héros, puisque le narrateur se pose ainsi lui-même en héritier de telles aventures.

            Les aventures qu’il nous narre se déroulent effectivement en dehors de l’école (et même hors du continent…) : sur une presqu’île quasiment coupée du monde, et sur laquelle vit un jeune homme solitaire et libéré de toute contrainte sociale. Ce que j’étais s’inscrit ainsi dans la tradition de la robinsonnade (née suite à la publication d’un roman fondateur du genre du roman d’aventures : Robinson Crusoé [1719] de Daniel Defoe).

Le parcours du héros de Ce que j’étais fait d’ailleurs penser au schéma de base de la robinsonnade telle que définie par Daniel Defoe. En effet, le protagoniste arrive comme dans un « naufrage » à Saint-Oswald, établissement scolaire dont il n’attend rien de bon ni de constructif. Il organise alors, dès que les cours de sport le lui permettent (en le faisant sortir de l’enceinte de l’établissement), une sorte d’ « opération de survie » : en secret, il s’éclipse du cours de sport et se rend sur la presqu’île, où il se réfugie dans une cabane. Là, arrive dans sa vie un nouveau compagnon, inattendu, et même inespéré : Finn, avec lequel, métaphoriquement, il selancera dans la construction d’un petit royaume bien à lui (un monde protégé de toute contrainte sociale) ; avant son retour sur le continent (même s’il restera à jamais hanté par ses jours passés dans la cabane entourée d’eau).

            Mais surtout, si Ce que j’étais est une véritable robinsonnade, c’est parce que Finn vit comme un Robinson sur sa presqu’île et que le narrateur, qui lui voue une admiration sans borne, s’empresse de le rejoindre et de partager avec lui cette vie dès qu’il en a l’occasion (lors des congés de Carême tout particulièrement). Il s’agit pour les deux jeunes de s’apprivoiser l’un et l’autre, sur une presqu’île sur laquelle ils se sentent seuls au monde, une presqu’île qui fait écho au mythe de l’île déserte… Et la force du jeune narrateur est mise à l’épreuve : il lui faut nager, grimper des falaises, pêcher, relever des paniers de crabe, faire du feu, préparer des repas, etc. : il devient à son tour un Robinson.

 

1.3.          Une dimension fantasmatique

L’aventure narrée par le lycéen, dans le cadre de cette presqu’île, possède d’ailleurs une dimension quasi-fantastique, et tout au moins fantasmatique…

En effet, la cabane de Finn semble coupée du monde par un seuil possédant une dimension « magique ». Le jeune héros vit entre deux monde : le monde réel du pensionnat, où le temps s’écoule lentement, dans un terrible ennui ; et le monde ressenti comme hors du temps par le héros, celui de la cabane de Finn, un monde qui fait alors penser à l’île Neverland de Peter Pan… Le narrateur de Ce que j’étais fait d’ailleurs référence à ce texte de James Matthew Barrie[11] ; et il mentionne également Oz[12], suggérant alors lui-même la dimension quasi-fantastique de ses aventures. Entre l’internat et la cabane de Finn, le héros passe d’un univers à un autre ; un peu comme dans la fantasy, il semble quitter le monde réel pour un monde imaginaire. Et pour atteindre ce « monde imaginaire », il doit franchir un seuil, comme dans nombres de récits fantastiques.[13] Cette « frontière magique »[14] est d’eau : il faut la traverser à pieds à marée basse, ou en kayak à marée haute pour pouvoir accéder à la cabane ainsi dotée d’une dimension, non pas strictement fantastique, mais néanmoins fabuleuse…

Aussi, il n’est pas étonnant qu’elle acquière aux yeux du narrateur une dimension franchement fantasmatique. En effet, l’intrigue se déroule sur une presqu’île possédant un cadre exotique et paradisiaque. Le décor dans lequel se déroule l’essentiel de l’action présente ainsi un grand attrait. La cabane de Finn est entourée par la mer (à marée haute) ; chez lui, on pêche sur la côte, on escalade des falaises, on explore des ruines englouties par la montée des eaux… Le lycéen se retrouve dans des espaces naturels magnifiques, et la presqu’île lui apparaît comme un lieu de paix non « gâché » par la société, un lieu pur où l’être humain peut vivre à proximité de la Nature. Mener une vie à une échelle plus simplement humaine (centrée sur les besoins primaires de l’Homme) fait rêver le protagoniste. En effet, dégoûté de la société dans laquelle il vit, de ses institutions, et des places qu’elle réserve à chacun dans la hiérarchie sociale (pourvu qu’on se plie à ses règles), l’adolescent aspire à la vie plus simple et authentique qui lui est proposée sur la presqu’île : le narrateur y voit un modèle alternatif à celui que tente de lui imposer la société. Cette presqu’île matérialise donc ses aspirations les plus profondes, et comme dans Huckleberry Finn (1883) de Mark Twain, pour ce personnage solitaire, l’île devient refuge… En ce lieu exotique, le héros peut vivre selon ses fantasmes.

            Mais ce qui fait plus particulièrement fantasmer le jeune narrateur, ce n’est pas tant la cabane sur la presqu’île que son habitant ! Ainsi, dès leur première rencontre, il le décrit comme suit : « Il émanait de lui une impression terriblement familière, sorte de version fantasmée de moi-même, et ce visage était celui dont j’avais toujours espéré qu’il me rendrait un jour mon regard, dans le miroir. […] Il était d’une beauté presque intolérable, et je détournai le regard, submergé par le plaisir, l’envie et le sentiment que la vie était d’une injustice désespérante. »[15] En effet, ce jeune homme (Finn) représente tout ce que le narrateur rêverait d’être ! Le héros l’explicitera d’ailleurs : « Finn appartenait à mes fantasmes, […] Ce n’était même pas tant que je désirais le revoir qu’être lui, afin d’échapper aux soupirs déprimants de mes enseignants, ces juges ambitieux de mon existence sans ambition. »[16]

            Le lycéen envie terriblement son nouvel ami, et s’interroge ainsi à son sujet : « Comment diable as-tu réussi à vivre seul dans un état de grâce absolu, loin des autorités locales et du flot incessant des oppresseurs de tout poil qui peuplent chaque minute de chaque destin banal ? »[17]  La découverte de Finn est comme un rêve éveillé pour le héros et le sort de sa totale indifférence à l’égard du monde qui l’entoure. « […] je fus envahi par le désir – celui d’échapper à la morne tyrannie du quotidien et de vivre ici, près de la mer. Celui d’être Finn. »[18], explique-t-il. En effet, libéré de toute contrainte sociale, et doté d’un physique gracieux, Finn incarne véritablement une version fantasmée du narrateur, qui lui voue instantanément une admiration sans borne. Celle-ci laissera alors deviner des sentiments à peine avoués…

 Ainsi, dans Ce que j’étais, le héros narre des aventures qu’il inscrit, avec un arrière-plan réaliste, dans un cadre exotique, propice à la fois à l’aventure et au fantasme. Et c’est, devant un arrière-fond crédible (en particulier grâce au réalisme social), et dans ce cadre empreint d’une poésie certaine (grâce à la double dimension d’aventure et de fantasme du récit, mais aussi à une écriture à la fois travaillée et naturelle), qu’il nous rapporte sa découverte de l’amour et de lui-même : la robinsonnade se fait alors roman initiatique.

 

 

II. Un roman initiatique

 

            En effet, dans Ce que j’étais, le héros se transforme. Il narre ainsi, comme dans une autobiographie, de manière intimiste, son expérience. Et celle-ci semble existentielle : on peut ainsi lire en toute première page du récit : « […] Aujourd’hui, comme presque tous les jours, nous sommes en 1962. L’année où j’ai découvert l’amour. J’ai seize ans. »[19] Narrant une expérience extrêmement marquante pour le héros, le roman se révèle initiatique : en effet, le protagoniste y découvre l’identité sexuelle et le mode de vie qui lui correspondent le mieux, puis entre dans l’âge adulte.

 

2.1. Un récit intimiste

            Pour relater cette expérience existentielle, le héros opte pour une narration homodiégétique, prétendument autobiographique. Une telle écriture intimiste, qui favorise la proximité, a « […] la particularité de vouloir renvoyer à l’adolescent sa subjectivité propre en privilégiant les expériences douloureuses ou dérisoires, les grands désarrois et les bouleversements affectifs. Le genre romanesque offre ainsi une forme idéale à l’analyse d’une crise psychologique ou morale. »[20] Le « je » du narrateur se veut donc proche des jeunes lecteurs, car il renvoie en partie à lui, à son identité adolescente, ses préoccupations.

Pour permettre au mieux cette proximité, si le narrateur, au moment où il écrit le roman, est adulte, il redevient explicitement, dès la première page du récit (à l’aide de ce « Aujourd’hui […] J’ai seize ans » initial), l’adolescent qu’il était en 1962, afin de s’adresser spécifiquement au jeune lecteur. Il renonce donc à  la posture adulte qui aurait pu lui conférer une certaine autorité, et préfère redevenir un pair pour ses lecteurs. À travers la narration, se dessine donc le portrait d’un adolescent subjectif,  critique, se dévalorisant. Ainsi peut-on lire le narrateur se présenter ainsi : « Sachez que je ne suis pas l’un de ces héros dont les atouts physiques provoquent l’admiration. Imaginez un garçon petit pour son âge, les oreilles à angle droit par rapport à la tête, des cheveux ayant la texture de la paille et la couleur d’une souris. Bouche : étroite. Yeux : circonspects, alertes. »[21] Une telle description du héros vise à faciliter l’identification des adolescents avec le protagoniste, car les adolescents sont réputés être dotés d’une psychologie semblable (crise narcissique, dépréciation de soi…).

De plus, dans ce récit, le héros exprime ses pensées, et semble parfois s’adonner à un commentaire (critique) des faits, plus qu’à une narration neutre, ce qui ne fait que renforcer la relation de connivence entre lui et le lecteur. Dans le cadre de cette même complicité, il dévalorise l’institution scolaire (il s’agit d’un « lugubre édifice victorien »[22], « une institution déprimée […] ensevelie dans une brume opportune »[23], d’une « laideur agressive »[24]), l’internat en particulier (sont notamment mentionnés « l’incommodité de ces commodités »[25], le manque de chauffage, « une nourriture chiche et déprimante »[26]). Le héros se plaint également des cours, des professeurs, et des cours de sport en particulier, toujours avec des traits critiques et vifs. Ainsi, pour renforcer la connivence avec le lecteur adolescent, le jeune narrateur ne se soucie pas d’être objectif, mais de rendre compte d’une certaine vérité de l’émotion, pour susciter la sympathie de ses pairs (adolescents).

        

2.2. Le roman d’une quête identitaire

            Une fois cette connivence établie, le narrateur entraîne le lecteur dans son aventure existentielle proprement dite : sa découverte de l’amour.

            Le roman de Meg Rosoff est en effet un roman initiatique : il traite, sur le plan individuel, d’amitié, d’amour, de liberté… Ainsi, comme Fifi Brindacier (1945) d’Astrid Lindgren, ou les romans de Maria Gripe, le héros de Ce que j’étais éprouve des difficultés à s’adapter au conformisme de la société. Et comme le héros de L’Attrape-cœur de Jérôme David Salinger, la sexualité semble tourmenter le protagoniste sans qu’il puisse s’y engager ; il demeurera dans le souvenir ému d’une amitié amoureuse ; sa conscience sera envisagée avec son milieu social en arrière-plan, et il se transformera « sous l’effet de ses expériences intimes et de ses relations intersubjectives » [27]. Le caractère initiatique de Ce que j’étais est d’ailleurs perceptible dès la première page du récit, puisque le narrateur y annonce que le propos du roman sera sa découverte de l’amour ; et cette découverte de l’amour est bien initiatique, puisqu’elle a une dimension transgressive : jusqu’au dénouement, il est question d’un amour homosexuel, si tabou dans son milieu social que le protagoniste osera à peine l’avouer…

Le narrateur a beaucoup de mal à reconnaître qu’il éprouve une attirance sexuelle pour Finn. Ainsi, suite à l’escalade de la falaise, alors qu’ils sont allongés l’un contre l’autre dans une grotte exiguë, on peut lire : « nous nous serrions l’un contre l’autre en quête de chaleur, ainsi que d’autre chose, une chose que je n’étais pas en mesure de nommer, une chose glorieuse, effrayante et inoubliable. »[28]. Tout au long du roman, cette sexualité vécue comme embarrassante par le protagoniste, est désignée par « ça », ou « chose », comme dans une tentative d’atténuation. Pourtant, le héros lui-même n’est pas dupe, et laisse percevoir son amour dans toute l’admiration et toutes les attentions qu’il porte à Finn ; avant de finir par se qualifier de « sexuellement ambigu » puis de reconnaître que ce qu’il éprouve pour son ami est de l’amour.

            Cette aventure existentielle mène progressivement le héros vers l’âge adulte. Métaphoriquement, lorsqu’au fil des aventures du jeune héros, la réalité, petit à petit, rattrape la cabane de Finn sous la forme de la maladie, puis de la mer, et que la presqu’île devient ainsi un paradis perdu. Et narrativement, lorsque, la fin du roman sa rapprochant, le narrateur adulte commence à se manifester, tout d’abord discrètement aux côtés du narrateur adolescent (ainsi, dès la page 145, il annonce dans une prolepse une catastrophe : « la destruction et la ruine »), avant d’occuper une place de plus en plus importante dans la narration (alternance des perspectives adolescentes et adultes), et d’avoir le dernier mot en songeant à « là où, il était une fois une île, et il était une fois un garçon qui vivait sur cette île, et il était une fois j’étais jeune »[29]. Le narrateur mène donc le jeune lecteur de l’adolescence à l’âge adulte, sans moralisme ni pédagogisme particulier, si ce n’est que son aventure invite à remettre en cause ses certitudes.

En effet, suite à la découverte de son amour pour Finn, le héros s’est transformé : dans la cabane de Finn, il a abandonné toutes ses croyances, sur le monde, la société, et sa sexualité. Au dénouement, le héros a trouvé une réponse à ses incertitudes, et il se trouve finalement fortifié dans sa structuration intime. Suite à son séjour dans la cabane, en compagnie de Finn (cette version fantasmée de lui-même), le héros rompt clairement avec la société qui était pour lui source de mal-être, pour devenir celui qu’il rêvait d’être : il devient Finn.[30] Tout simplement, le héros a trouvé, ainsi que l’indique le titre du roman, « ce qu’il était »[31], et plus encore, qui il était, qui il est…   

 

 

Conclusion

            Ce que j’étais s’inscrit donc dans un cadre réaliste, aisément reconnaissable par les adolescents, et appartient aux deux genres de la robinsonnade et du roman initiatique. Le cadre exotique de la presqu’île, suggérant l’aventure et le fantasme, est particulièrement propice à cette découverte de l’amour que vit le protagoniste adolescent, et à la transformation (de la manière dont il perçoit le monde et de lui-même). Pour capter l’attention du lecteur adolescent, le narrateur, bien que désormais adulte, redevient l’adolescent qu’il a été. Il opte pour un récit intimiste, s’efforce de retranscrire une vérité de l’émotion (adolescente), désenchantée à l’égard des institutions et de la société, mais émerveillée à l’égard de la cabane entourée de mer ou du fantasmatique Finn. Et il transgresse un certain tabou, pour partager l’expérience existentielle qui lui a permis de se construire en tant qu’adulte malgré les incertitudes de son adolescence.

 

 

Bibliographie

  • DELBRASSINE, Daniel, Le roman pour adolescent aujourd’hui : écriture, thématique et réception, SCÉREN-CRDP de l’académie de Créteil et La Joie par les Livres, 2006.
  • ESCARPIT, Denise, La littérature d’enfance et de jeunesse, PUF, Que sais-je ?, Paris, 1981.
  • ESCARPIT, Denise, Panorama historique, Presses universitaires de France, Paris, 1981.
  • OTTEVAERE-VAN PRAAG, Gana, Le roman pour la jeunesse, Peter Lang, Berne, 1996.
  • ROSOFF, Meg, Ce que j'étais (traduit par Luc Rigoureau), Hachette Livre, Paris, 2008.
  • ROUTISSEAU, Marie-Hélène, Des romans pour la jeunesse ? Décryptage, Belin, Paris, 2008.


[1] ROSOFF, Meg, Ce que j’étais (traduit par Luc Rigoureau), Hachette Livre, Paris, 2008, p.14.

[2] Ibid, p.15.

[3] Ibid, p.17.

[4] Ibid, p.22.

[5] Ibid, p.23.

[6] Ibid, p.24.

[7] ESCARPIT, Denise, La littérature d’enfance et de jeunesse, PUF, Que sais-je ?, Paris, 1981, p. 97.

[8] ROSOFF, Meg, Ce que j’étais, op.cit.

(par exemples : pp.18, 24-26)

[9] ROSOFF, Meg, Ce que j’étais (traduit par Luc Rigoureau), Hachette Livre, Paris, 2008, pp.113 et 121.

[10] Ibid, p. 121.

[11] ROSOFF, Meg, Ce que j’étais (traduit par Luc Rigoureau), Hachette Livre, Paris, 2008, p. 120.

[12] Ibid, p. 195.

[13] Comme on peut le lire dans :

ROUTISSEAU, Marie-Hélène, Des romans pour la jeunesse ? Décryptage, Belin, Paris, 2008, pp. 63-64 :

« […] l’accès à un monde autre s’opère dans les aventures de Harry Potter à partir d’un mur qu’il faut traverser pour accéder au quai 9 ¾ », mais surtout, « Il est aussi des frontières humides, des frontières d’eau […] comme dans les Bébés d’eau (1863) de Charles Kingsley […] », et « Dans Le Neveu du magicien de Clive Staples Lewis, c’est en plongeant dans des mares que l’on atteint le monde de Narnia »

[14] ROSOFF, Meg, Ce que j’étais, op.cit., p. 83.

[15] ROSOFF, Meg, Ce que j’étais, op.cit., p. 32.

[16] ROSOFF, Meg, Ce que j’étais (traduit par Luc Rigoureau), Hachette Livre, Paris, 2008, p. 37.

[17] Ibid, p. 41.

[18] Ibid, p. 40.

[19] Ibid, p. 11.

[20] Ibid, p. 47.

[21] ROUTISSEAU, Marie-Hélène, Des romans pour la jeunesse, Décryptage, Belin, Paris, p. 21.

[22] Ibid, p. 13.

[23] Ibid, p. 14.

[24] Ibid, p. 15.

[25] Ibid, p. 23.

[26] Idem.

[27] ROUTISSEAU, Marie-Hélène, Des romans pour la jeunesse, Décryptage, Belin, Paris, p. 31.

[28] ROSOFF, Meg, Ce que j’étais (traduit par Luc Rigoureau), Hachette Livre, Paris, 2008, p. 97.

[29] Ibid, p. 238.

[30] À la fin du roman, le héros se présente à une jeune femme sous le prénom de Finn (c’est l’unique fois dans le roman où il décline son identité : celle qu’il s’est choisie et non celle que lui imposait la société auparavant), et il part vivre dans la cabane sur la presqu’île (alors que son ami n’y est plus).

[31] Son identité sexuelle notamment s’éclaircit.

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