PARCOURS THEMATIQUE : Rires et sourires

Publié le par Muendoli

 

 

Il est des sourires qu’on s’approprie…

 

Ce sourire est pour moi, Tarmac :

 

 

 

Des rires majestueux…


Dracula, Bram Stoker :

 « Ne croyez pas, en me voyant rire, que je n’éprouve aucune tristesse. Vous voyez que j’ai pleuré même quand j’étouffais de rire ! Mais il ne faut pas croire non plus que je sois malheureux quand je pleure, puisque le rire a succédé aux larmes. N’oubliez jamais que le rire qui frappe à votre porte en vous demandant la permission d’entrer n’est jamais le véritable rire. Non. C’est un roi qui entre quand et comme il veut ! Il ne demande d’autorisation à personne ! Il ne choisit pas le moment le plus adéquat, mais s’annonce sans crier gare. […] à ce moment si tragique, voilà que Sa Majesté le Rire intervient et me hurle à l’oreille : “Je suis là ! Je suis là !” au point que le sang vient envahir mon visage à nouveau et lui apporte un peu de ces couleurs qu’il charrie avec lui. […] c’est un bien étrange monde, un bien triste monde, que le nôtre. Un monde de misères, de deuils, d’amertumes. Et pourtant, lorsque Sa Majesté le Rire décide d’intervenir, il fait danser tout le monde selon sa mesure ! Cœurs blessés, sanglants, ossements séchés, au cimetière, larmes qui brûlent quand elles coulent – tous dansent ensemble aux sons de la danse qui jaillit de sa bouche – pourtant incapable de sourire. Et croyez-moi, […] il est bon qu’il vienne ! Nous autres, femmes et hommes, sommes comme des cordes de violon tirées pour produire différentes notes ! Hélas, viennent les larmes qui, comme la pluie sur les cordes, nous tendent jusqu’à la brisure, parfois ! Mais voici qu’intervient Sa Majesté le Rire qui nous réchauffe ainsi qu’un soleil matinal, détend la corde et nous rend capables de poursuivre notre travail, quel qu’il soit. »  

Bram Stoker, Dracula, 1897

 

 

Des sourires vengeurs…

 

Smile, Lily ALLEN :

 

"At first when I see you cry,
yeah it makes me smile, yeah it makes me smile
At worst I feel bad for a while,
but then I just smile I go ahead and smile

Whenever you see me you say that you want me back
And I tell you it don't mean jack, no it don't mean jack
I couldn't stop laughing, no I just could help myself
See you messed up my mental health I was quite unwell"

 

 

 

Des sourires qui nous mettent au supplice…

 

L’Homme qui rit,Victor HUGO :

 

              L’action se déroule en Angleterre, à la fin du XVIIe siècle. Enfant, Gwynplaine a été enlevé par des voleurs qui l’ont atrocement défiguré pour en faire un monstre de foire : ses joues ont été incisées de la bouche aux oreilles, de façon à donner l’illusion d’un sourire permanent. Devenu adulte, il se produit dans une troupe de comédiens.

 

            "Quoi qu’il en fût, Gwynplaine était admirablement réussi.

            Gwynplaine était un don fait par la providence à la tristesse des hommes. Par quelle providence ? Y a-t-il une providence Démon comme il y a une providence Dieu ? Nous posons la question sans la résoudre.

            Gwynplaine était un saltimbanque. Il se faisait voir en public. Pas d’effet comparable au sien. Il guérissait les hypocondries[1] rien qu’en se montrant. […]

            C’est en riant que Gwynplaine faisait rire. Et pourtant il ne riait pas. Sa face riait, sa pensée non. L’espèce de visage inouï que le hasard ou une industrie bizarrement spéciale lui avait façonné, riait tout seul. Gwynplaine ne s’en mêlait pas. Le dehors ne dépendait pas du dedans. Ce rire qu’il n’avait point mis sur son front, sur ses joues, sur ses sourcils, sur sa bouche, il ne pouvait l’en ôter. On lui avait à jamais appliqué le rire sur le visage. C’était un rire automatique, et d’autant plus irrésistible qu’il était pétrifié. Personne ne se dérobait à ce rictus. Deux convulsions de la bouche sont communicatives, le rire et le bâillement. Par la vertu de la mystérieuse opération probablement suivie par Gwynplaine enfant, toutes les parties de son visage contribuaient à ce rictus, toute sa physionomie y aboutissait, comme une roue se concentre sur le moyeu[2] ; toutes ses émotions, quelles qu’elles fussent, augmentaient cette étrange figure de joie, disons mieux, l’aggravaient. Un étonnement qu’il aurait eu, une souffrance qu’il aurait ressentie, une colère qui lui serait survenue, une pitié qu’il aurait éprouvée, n’eussent fait qu’accroître cette hilarité des muscles ; s’il eût pleuré, il eût ri ; et, quoi que fît Gwynplaine, quoi qu’il voulût, quoi qu’il pensât, dès qu’il levait la tête, la foule, si la foule était là, avait devant les yeux cette apparition, l’éclat de rire foudroyant.

            Qu’on se figure une tête de Méduse gaie."

Victor Hugo, L’Homme qui rit, 1869


[1] Hypocondries : états dépressifs et mélancoliques

[2] Moyeu : Pièce centrale d’une roue

 

 

Des sourires dynamiques...

 

Bouge !, Patrick BRUEL :


 


"Un sourire... j'te d'mande pas grand-chose, un sourire... c'est tout !
Pour me dire... que si j'ose tu oses, qu'on pourra... encore tout !"

"Il faut qu'j'bouge !
Avant que tout m'enchaîne, qu'cette vie n'soit plus la mienne.
Faut qu'je bouge... et j'veux qu'tu bouges avec moi !"

"Un sourire... c'est tout !
Mème pour m'dire... t'es fou !
Pas d'erreur... c'est toi !
Mais j'ai peur... crois-moi !"

"Faut qu'tu bouges... avant que tout s'enchaîne,
Qu'cette vie n'soit plus la tienne.
Faut qu'tu bouges... et j'vais bouger avec toi.
Avant qu'tout nous retienne... un mot, un seul, j't'emmène.
Faut qu'je bouge... et j'veux qu'tu bouges avec moi.
Bouge... bouge... bouge... bouge ! Oui j'veux qu'tu bouges avec moi !"

 

 

Des rires insensibles…

  BERGSON :

 « Le rire va [...] de pair avec une mise à distance et un détachement qui impliquent [...] l’insensibilité vis-à-vis des situations observées : il faut abolir la pitié pour pouvoir rire franchement, et le comique exige, dit Bergson "une anesthésie momentanée du cœur." Il ne s’adresse qu’à l’intelligence pure, et son plus grand ennemi est l’émotion. L’aspect fondamentalement collectif du rire fait partie des conditions de l’état d’insensibilité qu’il implique. »

(Marianne Goeury, dans Muze n° 56 / Juillet-août 2009 / p.69)

 

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